Dossier
1 février 2023
Le gaz renouvelable : une filière à développer
Le gaz, au cœur de l’actualité géopolitique mondiale, est encore de nos jours majoritairement fossile, issu de l’extraction du sous-sol. Malgré ses atouts en termes de stockage, de densité d’énergie et d’infrastructures existantes, les ressources en gaz fossile sont limitées et son bilan environnemental mauvais. C’est en cela que la filière du gaz renouvelable présente de nombreux avantages et doit être développée.
Définition du gaz renouvelable
Il est nécessaire, avant toute chose, de repartir des définitions des différents gaz utilisés dans le domaine de l’énergie.
Lorsque l’on parle de gaz, il est souvent induit que l’on parle de gaz naturel (ou de gaz de ville). C’est un gaz fossile issu directement de l’extraction du sous-sol. Le gaz naturel n’est pas le seul gaz fossile existant. Il existe également le gaz propane (C3H8), le gaz butane (C4H10) et le GPL (mélange de butane et de propane). Ces derniers étant dérivés du pétrole ou du gaz naturel. Les ressources en gaz fossile sont limitées et leurs bilans environnementaux mauvais, il convient donc de les remplacer.
Les gaz renouvelables (ou verts) ont des ressources infinies et leur bilan carbone est quasi neutre (hors transport et transformation). Ils peuvent être produits de plusieurs manières, que nous vous présenteront dans ce dossier.
Le gaz naturel fossile et les gaz renouvelables sont tous constitués de Méthane (CH4). Lorsque l’on produit un gaz renouvelable chimiquement équivalent au gaz naturel fossile, on parle de biométhane.
L’intérêt du gaz renouvelable
Le méthane qui compose le gaz renouvelable et le gaz fossile a beaucoup d’atouts. Facilement stockable, il contient également beaucoup d’énergie par quantité de matière (PCI). Cela permettant d’atteindre des températures élevées lors de sa combustion. En outre, il bénéficie d’un réseau de distribution très développé en France métropolitaine, permettant une très faible perte d’énergie au transport.
Au vu de ces atouts, le gaz naturel est donc largement utilisé pour cuisiner, se chauffer, se déplacer… Et cela tant par les particuliers que les entreprises. Le gaz est d’ailleurs un élément clef pour l’équilibrage de notre réseau électrique grâce à sa souplesse d’utilisation.
Cependant, le bilan carbone du gaz fossile, bien que meilleur que le charbon et le pétrole, reste problématique face à l’urgence climatique. Il est également important de noter que la ressource en gaz fossile est limitée aux stocks disponibles dans le sol. D’autre part, le gaz fossile n’est plus extrait en France mais entièrement importé. Notre utilisation importante est problématique au regard de la balance commerciale et des dépendances créées vis-à-vis des pays exportateurs. Le contexte géopolitique récent de la guerre en Ukraine, nous l’a tristement rappelé et démontré.
Face aux atouts du méthane, des infrastructures existantes et des problématiques environnementales et géopolitiques, on ne peut qu’encourager le développement du gaz renouvelable. Dans les différents scénarios de transition, les gaz fossiles ont vocation à disparaître pour laisser place à des gaz chimiquement équivalents. Cela permettant de garder les même infrastructures mais d’origine renouvelable. Des différents travaux de prospective, on note trois études :
Comment produire du gaz renouvelable ?
Il existe trois solutions principales pour produire du gaz renouvelable : la méthanisation (la plus développée actuellement), le power-to-gas et la pyrogazéification.
La méthanisation
Le principe de la méthanisation est simple : il reproduit le fonctionnement de l’estomac d’une vache. Il s’agit d’insérer dans un digesteur étanche à l’air des matières qui peuvent se décomposer facilement avec quelques bactéries spécifiques. Cette décomposition des matières produit un gaz appelé « biogaz ». La matière restante est appelée « digestat ».
- En savoir plus : ADEME – 10 questions sur la méthanisation
Matières utilisées pour approvisionner le méthaniseur
Les matières fermentescibles utilisées pour approvisionner les digesteurs sont multiples. Elles sont caractérisées par leur capacité à produire du méthane, leur facilité de stockage, leur temps nécessaire pour être digérées et leur disponibilité sur un territoire donné. Cela concerne toutes les matières végétales ou les déjections animales pouvant se décomposer facilement. Un digesteur peut ainsi accepter toutes les matières présentes dans un compost et dans les déchets verts des déchetteries, les déchets de l’industrie agroalimentaire, mais également les effluents agricoles (fumiers et lisiers), les boues de station d’épuration et les cultures intermédiaires.
L’article 112 de la loi de transition énergétique, entré en vigueur en 2017, stipule que les méthaniseurs ne peuvent pas dépasser 15% de leur approvisionnement avec des cultures principales (culture présente sur la parcelle au 1er juin qui doit potentiellement arriver à maturité). En pratique, cette part est autour de 3 % à l’échelle de la France.
Les cultures intermédiaires
En agriculture conventionnelle, entre la récolte en été et les semences au printemps, les terres sont nues et préparées pour le cycle suivant. Or cette mise à nu n’est pas bonne pour la vie du sol. C’est également le cas pour le labour qui certes réduit les mauvaises herbes, mais enterre la partie arable du sol. Les cultures intermédiaires, semées entre deux cultures principales, permettent d’éviter cela et sont extrêmement bénéfiques pour le sol. Elles poussent en automne, mais n’arriveront pas à maturité et ne produiront pas de graines, à cause de l’arrivée de l’hiver. A la fin de l’hiver ces cultures sont soit détruites sur place et incorporées au sol (on parle d’engrais vert). Elles sont soit récoltées, ensilées et méthanisées : on parle alors de culture à vocation énergétique (CIVE).
Cette seconde option est très intéressante puisqu’elle permet à la fois de produire du gaz renouvelable grâce à la méthanisation mais aussi d’apporter (grâce au digestat) les éléments nutritifs nécessaires aux plantes plus rapidement (entre 3 et 4 mois contre 1 an en engrais vert). Cela est par ailleurs un atout majeur pour remplacer les engrais azotés qui sont produit à partir de gaz naturel fossile. En outre, ces cultures intermédiaires à vocation énergétique ne font pas concurrence à des cultures alimentaires principales puisqu’elles sont produites quand la terre est traditionnellement mise à nu.
Utilisation du biogaz produit
Le digesteur produit du biogaz qui contient principalement du méthane et du dioxyde de carbone.
Ce biogaz peut être utilisé : dans une chaudière gaz classique (après une modification du brûleur) pour produire de la chaleur ; dans un moteur qui permet la production d’électricité et de chaleur (on parle alors de cogénération). Une troisième possibilité est l’épuration du gaz (suppression du CO2) pour obtenir du méthane que l’on va pourvoir injecter dans le réseau de gaz naturel fossile. C’est la solution la plus vertueuse en matière de respect de l’environnement.
Le digestat (contenant des éléments NPK -azote, phosphore, potassium-) a une valeur agronomique aussi intéressante que le fumier. Épandu au même titre que du fumier ou du lisier, le digestat a aussi l’avantage d’être plus assimilable par les sols et moins odorant pour les riverains.
Zoom sur les modèles de développement
Le modèle de méthanisation territoriale* est idéal tant il est vertueux d’un point de vue environnemental. Tout en favorisant ce type de modèle, il serait vain de se limiter à la méthanisation territoriale dont la mise en place complexe et longue ne peut répondre à elle seule à l’urgence de la crise environnementale. Aussi, il est important de diversifier les modèles de méthanisation et développer des installations qui incluent moins d’acteurs et sont plus rapides à mettre en place. Pour autant et ce point est crucial, ces dernières doivent être respectueuses du territoire et dimensionnées en fonction des besoins et des ressources locales disponibles. Il est important d’être vigilant quant aux dérives et développement de projets à trop grandes échelles. Un bon indicateur est la distance d’approvisionnement des matières entrantes : si les matières sont récupérées à plus de 50 km, il y a probablement un souci de dimensionnement du projet.
* Agglomération de l’ensemble des matières fermentescibles disponibles sur un territoire et qui ont le même temps de séjour, dans une seule unité de méthanisation.
Zoom en Savoie
Il existe actuellement 8 unités de méthanisation en Savoie. Trois sont associées à des stations d’épuration (Chambéry, Courchevel et Val Cenis), deux fonctionnent uniquement avec du lactosérum -petit lait- (Abbaye de Tamié et Coopérative de Beaufort), une unité agricole fonctionne avec du fumier et de lactosérum (Fromage Mercier), une unité de méthanisation territoriale (SAS Horizon à Tournon) et un projet agroalimentaire (Routin à Chambéry).
Power-to-gas
Cet anglicisme se traduit par « énergie en gaz », ce qui signifie la conversion de l’énergie électrique en gaz en procédant à l’électrolyse de l’eau. Ce procédé consiste à faire passer de l’électricité dans de l’eau ce qui produit de l’hydrogène, que l’on transforme ensuite en méthane (méthanation). Le méthane ainsi produit est donc injecté dans le réseau de gaz naturel.
Ce processus à un rôle clef pour la facilitation de l’équilibrage du réseau électrique. Le power-to-gas permet de valoriser les surplus d’électricité lorsque la production est plus importante que la demande en la transformant en gaz, plus facilement stockable. Cette technologie a un intérêt uniquement si l’électricité utilisée est d’origine renouvelable, afin que le gaz produit soit lui aussi renouvelable.
La pyrogazéification
La pyrogazéification revient à mettre de la matière sèche à de très hautes températures en présence d’une faible quantité d’oxygène, permettant ainsi de récupérer le gaz produit. Associée à la méthanation, la pyrogazéification permet d’obtenir un gaz dont les propriétés sont équivalentes au gaz naturel fossile et que l’on peut donc réinjecter dans le réseau.
Si le processus fonctionne avec n’importe quelle matière susceptible de brûler, on distingue deux filières : la filière de déchets domestiques et la filière biomasse. L’utilisation de biomasse permet d’obtenir un coproduit, le biochar qui a une grande valeur agronomique.
- En savoir plus : ADEME – Pyrolyse et gazéification
Le gaz illustre parfaitement une transition énergétique possible et soutenable, passant de l’utilisation d’énergies fossiles au développement d’énergies renouvelables tout en valorisant les infrastructures déjà existantes. Les perspectives de développement du gaz renouvelable avec de nombreuses unités de production réparties sur l’ensemble du territoire sont très prometteuses. Au-delà de de la production d’énergie neutre en carbone, la filière du gaz renouvelable permet une diversification de revenu pour les territoires et ses acteurs et constitue une grande opportunité de création d’emploi, des atouts non négligeables pour développer la résilience de nos territoires.
- Choisir une offre de gaz renouvelable, vert : site du médiateur de l’énergie
La parole à Bruno Bourdon, Délégué GRDF et Collectivités de Savoie
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